Est-ce que je suis normale? Est-ce que je plais?

Pourquoi est-ce qu’on ne me regarde pas? Pourquoi est-ce que j’en fais trop?

Le maquillage, les vêtements, les bijoux, le parfum, qu’est-ce que je dois faire afin de me sentir bien?

Il y a ce garçon, il est gentil avec moi. Il aimait beaucoup ma tache de naissance sur ma hanche en forme d’étoile quand nous sommes allés dans le cours de natation ensemble.

Pourquoi ne me parle-t-il pas et tourne la tête lorsqu’il me voit à l’école?

Alors que lorsque nous sommes ensemble, tout seul, il me sourit et nous avons tant de plaisir.

J’aimerais faire partie de ses amis, être tout le temps avec lui…est-ce à cause de la couleur de ma peau? Est-ce à cause de mon poids?

Je ne ressemble pas aux modèles, je ne ressemble pas à ceux que je vois sur les écrans, sur les tableaux bordant les magazines.

Je ne suis pas belle. Personne ne veut être avec moi en public.

Au moins,  j’ai mon appréciation pour le bon et le beau. Les toiles, les couleurs, la nourriture, respirer le bon air, la nature : il y a quelque chose de bon dans ce qui est vrai, ce qui est mené par la passion. Évidemment, ma tache de naissance en forme d’étoile est ma plus grande fierté, la seule belle chose sur moi.

Alors pourquoi personne ne regarde ce que je fais? Pourquoi je ne me fais pas embaucher?

Je suis intelligente, je réussis bien et pourtant…je suis rejetée….pourquoi?

Les femmes, les hommes et tout le monde, pourquoi ne suis-je pas assez bien?

Je ne dois pas me laisser abattre, je dois me changer les idées, faire quelque chose.

Mon ami m’avait vue démoralisée et m’avait offert un billet de repas à mon nom pour un restaurant spécial. Il avait fait une réservation spéciale pour moi, il m’avait promis de venir une autre fois avec moi afin que nous ayons chacun un bracelet qui faisait fureur auprès de tous. Ce restaurant offrait à tous les visiteurs un bracelet gratuit avec le repas.

À mon arrivée, il y avait une file devant le restaurant illuminé. Le tapis rouge était décoré de gens bien vêtus et de tops modèles. Illustres personnes d’une aussi grande beauté devaient avoir les opportunités de multiples vies à portée de leur main. Elles me lancèrent un regard de pitié du haut de mes 160 livres, une baleine à côté d’eux.

Les odeurs alléchantes de viandes rôties s’élevaient alors que j’approchais de la porte. Le garde de sécurité fit entrer le groupe devant moi. Ensuite, il me regarda de haut en bas et me sourit après avoir pris le billet.

-Toi, tu ne passes pas cette porte princesse.

Il était aimable et poli. Il me souriait et me fit entrer par une porte menant à un long corridor. À ma gauche, il y avait une grande baie vitrée où des morceaux de viande circulaient sur une courroie noire où les convives pouvaient choisir leur morceau avant de s’asseoir. Je me sentais gênée et observée alors que le portier me faisait avancer dans le mince corridor en me poussant presque dans le dos. Il y eut une porte, il m’invita à l’ouvrir.

Il y avait des sacs de vidange et une petite allée entourée de murs et une porte en face. Je me retournai pour m’en aller, la mauvaise blague ayant fait couler les larmes sur mon visage, mais le portier me poussa en riant dans les sacs noirs.

Le jus des sacs tacha ma longue jupe. Je me levai en pleurant faisant couler mon mascara sur mes joues. Les flaques verdâtres reflétaient mon horrible portrait digne des films d’horreur. Je tombai en tentant de me relever alors que mes talons hauts restaient emprisonnés dans les morceaux de plastique.

Mon apparence au-deçà des minimums sociaux n’en était qu’entachée…Je méritais d’être parmi les déchets.

Puis, dans ma noirceur, de mon existence une lumière divine éclaira le visage du monstre que je suis.

Un ange habillé en blanc laissa tomber un sac de la porte du paradis qu’il avait ouverte. Le paquet divin s’écrasa parmi les autres rejets des cieux.

L’ange au manteau blanc baissa les yeux et me vit. Il descendit de sa magnificence les marches le séparant du sol des pauvres mortels ne méritant que l’enfer telle ma personne. Il me tendit sa main blanche et m’aida à me relever. Toujours en me souriant de son sourire étincelant, l’ange m’emmena dans son paradis de propreté où seuls mes pas laissaient d’horribles crasses derrière moi.

L’ange m’amena dans une pièce munie des lumières et des grandes portes dorées. Il ferma la porte derrière moi et j’ouvris les portes dorées curieuse. Dans cette pièce, il y avait des serviettes pour m’essuyer et des vêtements de rechange. La lumière était blanche et tous les murs étaient sombres. De petits meubles blancs avec une bouilloire et des coupes de thé reposaient sur une table blanche. Sur un autre meuble, avec un miroir, reposait une bassine remplie d’eau. Je m’essuyai et me changeai dans les vêtements doux bleus. Je me sentis déjà mieux que dans ma robe collante et puante.

Il eut un bruit dans la pièce alors que je finissais de me changer. L’air sembla devenir solide, les meubles s’embrouillèrent, mes jambes tremblèrent, je n’eus le temps de faire qu’un seul pas que je tombai et la lumière s’éteignit.

Bip, bip, bip.

Le bruit d’une machine accompagna mon réveil. Je me sentis ankylosée, je n’arrivai pas à bouger.

-Quel âge?

-16 ans.

-Nom?

-Kilia.

-Processus demandé?

-Total.

Je ne vis pas qui parlait. Un masque de plastique transparent collé sur le visage me couvrant ma bouche et mon nez. Une lumière m’aveuglait brûlant mes prunelles.

Je voulus me lever, je voulus parler. Ma gorge brûla et un goût métallique m’envahit la bouche. Mes membres étaient paralysés une brûlure les enlaçant. Je parvins à regarder vers mon torse en baissant les yeux et je ne vis que des tubes transparents dans mon champ de vision.

Puis, j’entendis des bruits métalliques, je ne vis pas ce qu’ils faisaient.

  • Commençons par le retrait intense avec l’abdominoplastie.

Je sentis le froid contre ma peau, puis le pincement. Le liquide coula contre ma peau avant que la brûlure intense m’envahisse. Je sentis l’objet entrer dans ma peau puis couper dans sa flamme brûlante. Les cris ne voulurent pas sortir de ma bouche, je regardai autour de moi paniquée, suppliant les cieux de me sauver. La douleur fut atroce, ils tranchèrent et coupèrent, j’entendis un bruit sourd d’une masse tombant dans un plat.

J’entrai et je sortis de la conscience l’enfer de la douleur accompagnant chacun de mes moments alors qu’ils coupèrent et tranchèrent. Je sentais à un moment donné ma chair être retournée contre mes muscles comme si on m’épluchait telle une orange. Les aiguilles et le feu me brûlèrent alors qu’ils tranchèrent et arrachèrent mon être. Je sentis le liquide de ma vie couler alors que mes yeux se renversèrent vers l’arrière lors d’une autre perte de conscience.

-Commençons le processus d’ophtalmologique tel qu’à la demande du client.

J’entendis à nouveau la voix d’un de mes tortureurs qui s’approcha de mon visage. Enfin! Enfin ils verraient que j’étais réveillée, finissez ma souffrance je vous en prie. Je battis des paupières afin de signifier mon éveil.

La personne qui portait un masque bleu sur le visage se plaça vers le sommet de la tête. Il souleva une cuillère dans sa main gantée gauche et se pencha vers moi. Le bout de la cuillère approcha de mon visage. Je voulus bouger la tête, je papillonnai mes paupières tentant de signifier que je ne voulais pas cela. Je sentis le froid métallique approcher de mon visage, je voulus crier, hurler.

La personne masquée arrêta son mouvement.

Je voulus soupirer de soulagement, enfin, ce calvaire allait être fini.

-Viens ici, j’ai besoin d’aide, la nictation pose problème.

Une autre personne masquée approcha. Il allait probablement m’aider à me lever, je suis plutôt lourde après tout, et si faible suite à ces horribles douleurs qu’ils m’avaient fait subir.

L’autre personne plaça ses doigts sanglants contre ma paupière l’empêchant de la refermer.

Le bout métallique se rapprocha à nouveau. Je sentis l’embout glisser contre le bas de mon œil inondé de larmes, puis je sentis la pression contre le fond de mon crâne alors que l’embout s’enfonça lentement.

Je ne vis plus rien. Pendant longtemps, très longtemps.

Je ne sentis plus la douleur.

-Mon épouse, ouvre les yeux, ordonna doucement une voix familière.

Je battis des paupières. Une beauté se trouvait devant moi en chaise roulante.

J’eus de la difficulté à articuler quelque chose devant cette étrangère à la peau différente, aux yeux différents, aux cheveux différents, si mince et si belle.

-Qui…

Les lèvres voluptueuses de la femme devant moi bougèrent.

-Parfait, tu es parfaite mon épouse.

C’était mon ami qui se tenait derrière moi. Il fit  rouler ma chaise roulante hors de la pièce. Le reflet de mon amie et de cette femme qui était moi-même nous suivis jusqu’à la sortie.

Je suis fatiguée, confuse, mais au moins je ne suis pas seule. Pourquoi…m’appelait-il son épouse? Il m’apporta dans un long corridor vitré, une odeur alléchante flottait dans l’air.

Il fit tourner le fauteuil roulant et nous entrâmes dans un luxueux restaurant à la lumière tamisée. Il m’apporta à une table, un grand sourire au visage, il me déposa un baiser sur la joue.

-Je reviens ma beauté.

Il me quitta et alla voir un des serveurs et pointa vers la fenêtre que nous venions de passer. Je regardis mes mains délicates, des mains que je ne reconnus pas. Une bague était glissée à mon doigt, une bague que je ne reconnus pas. Qui suis-je?

Mon ami revint à table tout heureux.

-Mathilde je suis tellement content que tu te sois remise, l’accident qui t’avait défigurée est maintenant chose du passé.

-Mathilde? ma voix était douce, chantante, ce n’était pas ma voix, Malthilde, ce n’était pas mon nom.

-Cela a dû te causer tout un choc, je comprends, je vais te rappeler toutes les belles choses que nous avons vécues ensemble. Tes amis et moi-même étions si inquiets.

-Ma mère…

Il fronça tristement les sourcils.

-Oh Mathilde…je suis désolé.

Qu’est-ce qui se passait?

-Je dois retourner chez moi, qu’est-ce qui m’est arrivé?

-Tu…un serveur arriva avec deux plateaux couverts par une cloche argentée, mangeons d’abord Mathilde, il ne faut pas gaspiller les efforts que les pauvres font pour nous à élever le bétail, n’est-ce pas?

Pourquoi parlait-il ainsi? Mon père est agriculteur et il le savait bien!

Le serveur déposa la cloche devant moi, je tentai de me lever, trop faible.

-Ah, désolé ma chérie, tu dois encore te remettre de ton épreuve, je vais t’aider.

Il souleva la cloche dévoilant un grand steak avec des patates et des légumes, une sauce accompagnait le tout. Je sentis mon ventre grogner.

-Je sais comment tu aimes manger ma chérie, tu feras des excellents plats pour nous et mes futurs héritiers, rigola-t-il. Il en va de soi que je te gâte également, une si belle épouse.

Il coupa un morceau et me l’apporta à la bouche. L’odeur irrésistible et familière me rassura un peu et j’ouvris la bouche. Le morceau était juste assez gras pour glisser sur ma langue, les épices étaient savoureuses et la cuisson juste assez pour faire sortir la saveur peu familière de la viande.

-Tu sais, le bracelet, il vient du cuir directement de cet élevage rare, chaque morceau est traité avec les meilleures méthodes de coupe pour s’assurer des meilleures textures.

Il coupa un autre morceau et me le servit avec un peu de patates. Il prit une bouchée de son assiette. Il m’aida à manger jusqu’à ce que nous terminions nos plats. Je me sentais un peu mieux, mais je ne comprenais pas plus ce qui se passait et plus je réfléchis plus tout semblait flou dans mon esprit.

-Tu sais que je ne m’appelle…

Quel était mon nom?

-Ah! Le bracelet! Je vais t’aider à mettre le tien! dit-il joyeusement. Tu vas être contente, la viande choisie pour nos plats vient de la même bête et elle avait cette merveilleuse marque de naissance. Tu vas l’adorer.

Il leva mon bras flasque, mais qui reprenait lentement de la force. Je lui souris tendrement alors qu’il attachait le bracelet. Une charmante forme d’étoile familière se trouvait sur celui-ci.

Mon mari était si attentionné.

J’ai été inspirée à écrire ce texte suite à des vidéos qui traitent sur l’image de la femme [1,2], son évolution et de ses aspects misogynes et racistes qui se trouvent face à la conception de la beauté selon plusieurs sociétés. En effet, un des objectifs est de vendre à travers des artifices de beauté comme le maquillage, les crèmes ou la chirurgie plastique un idéal qui ne peut être atteint. [3]  Cela fait en sorte que les femmes, particulièrement, dépensent afin d’atteindre cet idéal de beauté, qui en plus, change avec le temps. Par exemple, dans les années 1990 les femmes devaient être minces mais sans formes alors qu’aujourd’hui, elles doivent encore être minces, mais avoir des courbes, des grosses fesses et que les cuisses ne se touchent pas. [4]

Je ne pense pas que le maquillage est quelque chose de foncièrement négatif, beaucoup s’en servent pour s’exprimer.

Par contre, la beauté inatteignable a des vrais impacts sur la santé dont des maladies telles que l’anorexie et la boulimie. Sinon, des impacts sur l’estime de soi sont présents. En plus, si la personne n’atteint pas les standards de beauté, elle a moins de chance d’être embauchée, car il y a des biais face à la beauté et l’emploi. [5]

En ce qui concerne la chirurgie, je ne crois pas que la chirurgie est mal en soi, par exemple, on peut en avoir besoin pour des raisons de santé ou des raisons esthétiques (par exemple pour les blessés de guerre, saviez-vous que les premières chirurgies plastiques ont été faites après la première guerre mondiale? [6]). Par contre, certaines chirurgies esthétiques ne sont pas nécessaires outre que pour atteindre l’idéal de beauté, par exemple le BBL (Brazil Butt Lift). Le Lifting brésilien des fesses est de prendre du gras dans le corps et de l’injecter dans les fesses. Il y a un taux élevé de décès face à cette chirurgie parce que la graisse est parfois injectée trop profondément et entre dans le sang pompant directement de la graisse dans le cœur. [7]

Je souhaite que les gens puissent s’aimer physiquement et mentalement. Que les autres puissent les accepter selon leur apparence physique et qui ils sont. C’est un processus très difficile que peu d’entre nous sommes capables sans y mettre beaucoup de temps, d’effort et d’aide. S’aimer, mentalement ou physiquement est un long processus. Trouvez des gens qui vous aiment et cherchez de l’aide professionnelle si vous en avez besoin.

Il faut faire attention à ce que l’on mange, il faut faire du sport et il faut respecter les autres. Il faut s’aimer et accepter le corps et en prendre soin. La santé c’est important, mais l’apparence que l’on a n’en dépend pas toujours.

Prenez soin de vous et soyez indulgents envers vous-mêmes.

Sources :

  1. Jordan Theresa. (28 mai 2021). is plastic surgery ‘feminist’? (spoiler – no, it isn’t). Youtube. https://www.youtube.com/watch?v=oVnBs4Mi89g
  2. Salem Tovar. (N.D). Billie Eilish, Femininity & Hypocrisy | A deep analysis. Youtube. https://www.youtube.com/watch?v=9Ekm8wClLmw
  3. Kim Elsesser. (28 octobre 2019). The Link Between Beauty And The Gender Gap. Forbes. https://www.forbes.com/sites/kimelsesser/2019/10/28/the-link-between-beauty-and-the-gender-gap/
  4. Maria Hart. (15 janvier 2015). See How Much the « Perfect » Female Body Has Changed in 100 Years (It’s Crazy!). Greatist. https://greatist.com/grow/100-years-womens-body-image#1
  5. Stefanie K Johnson, Kenneth E Podratz, Robert L Dipboye et Ellie Gibbons. (Avril 2010). Physical Attractiveness Biases in Ratings of Employment Suitability: Tracking Down the “Beauty is Beastly” Effect. ResearchGate. https://www.researchgate.net/publication/44797457_Physical_Attractiveness_Biases_in_Ratings_of_Employment_Suitability_Tracking_Down_the_Beauty_is_Beastly_Effect
  6. Nicolas Guirimand. (2005). De la réparation des « gueules cassées » à la « sculpture du visage ». Cairn.info. https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2005-1-page-72.htm
  7. AUDREY NOBLE. (24 septembre 2021). Just How Dangerous Is a Brazilian Butt Lift?. Bazaar. https://www.harpersbazaar.com/beauty/skin-care/a28170595/what-is-brazilian-butt-lift/

Images :

Dids. (22 février 2021). Traditional Russian stacking dolls placed on table [Photographie]. Pexels. https://www.pexels.com/photo/traditional-russian-stacking-dolls-placed-on-table-6912766/  

James Sutton. (12 novembre 2016). Doll With Grey Eyes and Brown Hair [Photographie]. Pexels. https://www.pexels.com/photo/doll-with-grey-eyes-and-brown-hair-228844/