Données :
Scénariste et artiste : Yuu Ichimiya
Publication francophone : OMAKEBOO
Nombre de chapitres : 15
Nombre de volumes : 2
Années de publication : 2018 – 2019
Genres : Horreur, drame et mystère
Âge recommandé : 18 ans et plus (gore, violence, trauma et mort d’enfant)
Histoire :
Thoru se rend en montagne afin de prendre soin d’enfants. Le travail paie fort bien, un montant de 3 millions yens. Toutefois, une fois déposé sur place, isolé de la civilisation, il se rend compte que son travail est bien plus sanglant qu’il ne le croyait.
Critique :
Ce manga est très violent. Les enfants sont habitués à tuer, dépiécer, cuisiner et manger des adultes qui leur sont envoyés par un mystérieux personnage. J’étais horrifiée par l’intensité de la violence présentée dans le manga, comme le personnage principal, je me sentais prisonnière des pages et mon humanité absorbée dans l’encre.
Cet effet de dégoût, de sensation qui tord les tripes par le malaise profond est aidé par les excellentes expressions faciales qui sont offertes par l’artiste du manga. Les dessins retirent une partie de ce qui rend les enfants des êtres humains rendant l’horreur très efficace. Les moments sanglants sont très brutaux. On sent l’instabilité des enfants qui ont visiblement souffert d’une façon ou d’une autre. Les moments plus calmes sont reflétés par des traits moins foncés, plus de lumière dans les décors, pourtant, on sent toujours un malaise tout au long de la lecture. Vraiment, l’art de ce manga est sa plus grande force, il avait le potentiel de se tailler une place de choix dans le monde de l’horreur.


Ce qui m’a accrochée, c’était de savoir ce qui se passait. En effet, on apprend rapidement qu’il y a des enjeux psychologiques qui font en sorte que les enfants suivent les règles et ne voient pas leurs actes meurtriers comme de mauvaises choses. Rapidement, on comprend que chaque enfant présent a subi un traumatisme et, la plupart, ont été abusés par un parent ou un adulte. Il y a également des règles qui sont établies afin d’assurer un ordre sur place, sinon les enfants ont un risque d’être transformés en une étoile par leur enseignante (qui a seulement 14!). Ceux qui s’enfuient sont retrouvés assis, morts, dans le terrain de jeu de l’école où ils vivent. Un mythe et des règles s’assurent que les enfants soient obéissants.
Étant donné que le sens moral des enfants est motivé par la punition/récompense ou par leur propre intérêt avant l’âge de 11 ans, [1,2] je me demandais comment le protagoniste pourrait changer le sort de ces enfants. Si le manga allait dans la direction de « sauvons les enfants et donnons-leur une place en société », le protagoniste avait de bonnes chances vu qu’il semblait avoir une position privilégiée avec l’enseignante (voire romantique (ark vu qu’il a 18 ans et elle 14 (mais c’est surtout elle qui semble attachée à lui)). Il démontre rapidement un certain attachement aux enfants et j’étais curieuse si c’était l’avenue qui serait prise par l’auteur. J’adore la psychologie. Les enfants sont clairement traumatisés, ne font pas confiance aux adultes et sont dans un espace où leur sens moral est tordu. Tout était en place afin qu’ils continuent de tuer des adultes pour une entité invisible. Le protagoniste pourrait-il changer cette microsociété ou serait-il brisé, absorbé dans celle-ci ou serait-il tué? C’était très accrochant et j’avais hâte de savoir ce qui se passerait.

Les traumas des enfants sont doucement révélés à travers les chapitres. Pour certains, la révélation ne se passe qu’à travers une discussion, pour d’autres la présentation est différente. En effet, il y a un des enfants qui a un trauma lié à la perte et lorsque cette perte est présentée j’ai crié. La présentation est horrifiante, je ne m’y attendais pas du tout et ça faisait peur. Je ne peux pas vous révéler cette surprise parce qu’elle vaut la peine d’être vécue.
Je pense que beaucoup d’aspects d’horreur liée avec les enfants étaient très bien maîtrisés. On traite l’enfant comme un être ayant des sentiments, des peurs, des envies, mais un sens du monde moral qui n’est pas complètement développé et qui dépend entièrement de son environnement. C’est la survie et le sens communautaire qui les motivent. Cette image tordue d’enfants, avec les dessins très bien maîtrisés, fait toute l’horreur du manga.
Là où Children tombe à plat, c’est lorsque les révélations sont faites. À mon avis, soit l’auteur s’est fait couper l’herbe sous le pied ou il est parti d’un concept qu’il n’avait pas suffisamment réfléchi et il devait conclure l’histoire.
On finit par apprendre qui est la personne qui force les enfants à tuer des adultes. On apprend également comment cette personne s’est assurée de l’obéissance de l’enseignante et de s’assurer d’avoir un environnement sous son contrôle avec des sujets plus faibles qu’elle. Franchement, il manquait un peu de construction narrative afin que cette révélation soit satisfaisante. Le manga aurait dû avoir beaucoup plus de chapitres pour développer son mythe, son implication, ses plans afin que son identité nous choque, nous fâche, bref procure une réaction émotionnelle. Mais, pour moi, ça a fait : Ah bon? Ok. C’est tombé à plat. Lorsque les motivations du personnage ont été expliqués, je les trouvais expliquer à la va-vite. Tout ce qui l’entoure n’était pas très bien construit. Ce qui a rendu le mystère très décevant.


Il y a également un autre retournement de situation qui concerne le protagoniste. Cette surprise m’a totalement fait décrocher. Je continuais de lire la conclusion de façon distante, simplement pour savoir comment l’histoire allait se conclure. Je trouvais cette décision complètement ridicule et enlevait tout mon investissement émotif. Je ne trouve pas que de changer drastiquement la personnalité d’un personnage, sans justification, qui semble sortir de nulle part, qui sert de point de vue au lecteur, soit une bonne idée. Je n’avais plus de point d’encrage outre pour le changement soudain du personnage désormais principal qui avait un peu de sens moral qui servait désormais de protagoniste. Ce changement aurait dû être mieux semé lors des chapitres présents. Je croyais en l’empathie des personnages, je croyais en leur amitié, la conclusion m’a fait sentir trahie par l’histoire. Ce n’est pas un bon retournement de situation, il n’est pas bien monté, ni satisfaisant.

J’ai fini le manga en sentant que la violence était complètement injustifiée. Au départ, je trouvais qu’elle pouvait être un bon reflet de ventilation de la frustration. Que c’était une manière pour les enfants de justifier leurs actions afin de les aider d’une manière ou d’une autre. Au final, la violence était plus là pour montrer des scènes choquantes, très bien dessinées, horrifiantes, mais, malheureusement insatisfaisantes narrativement.
J’ai trouvé que ce manga a un excellent début, des moments qui m’ont dégoûtée, m’ont horriblement surprise. Pour un manga d’horreur, toute la partie qui est développée avant les dévoilements est bien construite. Le potentiel était immense. Malheureusement, la conclusion était très décevante et a un peu ruiné ce qui avait été établi au préalable. J’ai vraiment l’impression d’avoir lu de la violence faite par des enfants simplement pour le concept d’enfants qui commettent des meurtres plutôt que de lire un manga qui voulait dire quelque chose sur la psychologie, les traumas ou les microsociétés.
Je pense que l’artiste vaut la peine d’être suivi, ses coups de crayons sont excellents et son potentiel dans l’horreur est génial. Par contre, je pense que son potentiel en tant qu’auteur a besoin de travail ou que son éditeur aurait dû l’aider afin d’offrir une conclusion plus satisfaisante si le manga s’est fait couper du magazine qui le publiait.
À vous de voir si vous voulez le lire.
Sources :
- Dalila Belgacem. (2009). Le développement moral. Les Cahiers Dynamiques. Numéro 45. Pages 29 à 33. https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-dynamiques-2009-3-page-29.htm
- Équipe Naître et grandir, révision scientifique Solène Bourque. (Décembre 2019). La conscience morale chez l’enfant. https://naitreetgrandir.com/fr/etape/1_3_ans/comportement/fiche.aspx?doc=bg-naitre-grandir-conscience-morale
Données :
Anilist. (2018). Children [Données]. https://anilist.co/manga/105054/Children/
Images :
Yuu Ichimiya. (2018-2019). Children [Image]. Image prise sur Amazon dans CHILDREN – TOME 1 https://www.amazon.ca/-/fr/MIU-MIURA/dp/2379890404
Yuu Ichimiya. (2018-2019). Children [Image]. Image prise sur Amazon CHILDREN – TOME 2 https://www.amazon.ca/CHILDREN-2-MIU-MIURA/dp/2379890536
Yuu Ichimiya. (2018-2019). Children [Image]. Image prise sur Geekbecois dans Découverte manga : Children par Jessica Côté Acteau https://geekbecois.com/decouverte-manga-children/
Yuu Ichimiya. (2018-2019). Children [Image]. Image prise sur Esprit Taku dans CHILDREN TOME 1 : L’INNOCENCE N’A PLUS SA PLACE ICI par ESPRITOTAKU https://espritotaku.fr/2020/09/24/children-tome-1-linnocence-na-plus-sa-place-ici/
Yuu Ichimiya. (2018-2019). Children [Image]. Image prise sur Manga-News dans L’ART D’UNE NARRATION COMPLEXE https://www.manga-news.com/index.php/report/Children/3
Yuu Ichimiya. (2018-2019). Children [Image]. Image prise sur Anilist dans review par TheGruesomeGoblin https://anilist.co/review/8114
Yuu Ichimiya. (2018-2019). Children [Image]. Image prise sur ActuaBD dans Children T. 1 – Par Miu Miura – éd. Omaké Manga par Thomas Figueres https://www.actuabd.com/Children-T-1-Par-Miu-Miura-ed-Omake-Manga