Données:
Scénariste et artiste : Youko Komori
Publication francophone : DELCOURT
Titre original : Aoi Uroko to Suna no Machi
Titre anglophone : Mermaid Scales and the Town of Sand
Titre francophone : Le Secret des écailles bleues
Nombre de chapitres : 12
Nombre de volumes : 2
Années de publication : 2013-2014
Genres : Drame et tranche de vie
Âge recommandé : 12 ans et plus
Histoire:
Tokiko, juste avant le début de sa 6e année, déménage en campagne avec son père chez sa grand-mère. Alors qu’elle regarde les vagues s’écraser contre la plage, un souvenir lui revient en mémoire : le visage d’une sirène. Tokiko l’aurait vue alors qu’elle se noyait. Est-ce qu’elle aurait halluciné? Les sirènes existent-elles dans ce village? Tokiko devra s’adapter à sa nouvelle vie dans le village dans l’espoir de retrouver l’homme sirène qui lui aurait sauvé la vie.
Critique :
Je me demandais vraiment où le manga se dirigeait. On commence avec une petite fille qui revient dans le village où elle se serait fait sauver par une sirène. Est-ce que ce serait un manga fantastique? C’est un manga assez court mais qui prend le temps de présenter son mystère tout en traitant de sujets plus difficiles pour les enfants comme le deuil. On ne sait pas si l’homme sirène qui a sauvé notre protagoniste est réel ou fictif jusqu’à l’avant-dernier chapitre du manga.
Le deuil ici est vu de deux points de vue, celui de la fille et celui d’un petit garçon qui a un visage très similaire à la sirène qui a sauvé la petite fille.
Tokiko, la petite fille, se retrouve dans ce village avec son père. Elle n’a jamais été bien proche de ce dernier, elle était plus proche de sa mère. C’était avec elle que Tokiko passait la majeure partie de son temps. Toutefois, la relation entre les parents est devenue tendue avec leur vision différente du couple à la maison, un divorce est donc en cours. Alors que Tokiko cherche la vérité derrière sa sirène et apprendre à s’adapter à sa nouvelle vie, se faire des amis, elle doit aussi faire le deuil de sa relation avec sa mère. Après une scène émotionnelle, Tokiko comprend l’impact des décisions de ses parents sur elle et enfin, elle peut laisser le vieux château de sable être détruit par la mer afin de mieux se reconstruire.
Tokiko passe de beaux moments avec son père et commence à lui poser des questions afin de mieux le connaître et commencer une relation saine père-fille. Ils font tous deux de bons efforts afin de faire leur deuil et commencer à avancer dans leur nouvelle vie. Ils ne sont pas seuls, la grand-mère et des villageois sont également présents pour eux. J’ai bien apprécié que la mère, malgré sa façon différente de voir les tâches à la maison et sa relation avec sa fille, ne soit pas démonisée par le manga. Au contraire, la grand-mère demande à Tokiko si sa mère allait bien en souriant lorsque cette dernière a pu la voir. C’est un moment touchant qui permet de voir que Tokiko a pu tourner la page dans sa vie. J’ai apprécié qu’au lieu de mettre la mère comme une personne mauvaise parce qu’elle ne répond pas « aux attentes » on la met simplement comme une personne qui a choisi quelque chose d’autre sans plus, était fortement appréciée.
Le petit garçon lui, fait le deuil de son frère. En effet, ce dernier est porté disparu et le petit garçon n’a jamais vu son corps. Il ne peut donc jamais faire son deuil. Tokiko et lui se chamaillent, mais ils devront passer au-delà de leur différend afin de découvrir la vérité sur la disparition de son frère ainsi que sur l’existence des sirènes dans ce village.
La conclusion pour leurs deux deuils est douce, bien apportée et on comprend très bien ce que les personnages vivent. J’ai été très satisfaite des réponses apportées tout en étant charmée par l’ambiance du manga qui rappelle un conte tranquille en campagne tout en discutant de sujet plus sérieux. J’aimais lire chaque page où j’avais l’impression d’un m’aventurer dans un monde fictif qui, pourtant, était ancré dans la « réalité » donnant cet élément qui me faisait toujours douter à savoir si les sirènes étaient réelles ou non. Visuellement, j’ai trouvé le manga charmant.
Une autre thématique qui a été explorée dans ce manga est le rôle du mensonge. Sans entrer dans les détails, parce que je pense que le manga peut être une bonne lecture à faire. J’ai bien aimé que le mensonge « social » soit exploré. C’est-à-dire, mentir pour se faire des amis ou être intéressant. C’est quelque chose qui peut arriver pour diverses raisons dont par peur de situation anxiogène.[5] J’ai bien aimé qu’un enfant mente. Le pourquoi du mensonge a été expliqué. Ensuite, l’enfant explique pourquoi il a menti et il s’excuse. Son rejet social par la découverte du mensonge ainsi que le pardon lorsque l’enfant s’excuse m’a fait du bien de lire. L’intimidation est quelque chose qui peut se produire lorsque les mensonges sont découverts. La situation s’est bien terminée dans le manga, même si l’intimidation ou le rejet de l’enfant est présent, notre protagoniste est plutôt quelqu’un qui rassemble et veut le bien des autres. Cela aide pour l’ambiance calme et douce.
Un autre mensonge qui est exploré est le mensonge qui est fait pour éviter la douleur à un enfant dans le but de l’aider. Dans le manga, cela peut être pour les protéger du danger, psychologique ou physique, réel ou non. Toutefois, ce mensonge peut donner envie aux enfants de se mettre en danger ou, encore, d’avoir des conséquences sur leurs émotions. Ce type de mensonge dans ses côtés positifs et négatifs sont explorés, bien que de façon moins claire, et j’ai apprécié que l’on comprenne pourquoi les adultes ont menti et que les enfants comprennent également. J’ai apprécié que les enfants soient traités comme des êtres intelligents.
Ce qui est aussi intéressant dans ce manga c’est l’importance que l’on donne au mythe. Certains les nient, d’autres en font des traditions, des fêtes, des histoires. Certains, encore, les prennent au sérieux au point d’en faire des rituels. Ce que j’aime bien c’est comment les mythes sont explorés différemment selon les différents villageois et à qui la protagoniste parle. Enfin, quand on comprend l’importance des mythes dans ce village, enfin les réponses et les indices sont tous bien ficelés afin de donner des réponses satisfaisantes au mystère. J’ai toutefois trouvé assez ridicule que les adultes persistent à suivre les rituels qui sont présents depuis fort longtemps. Je pouvais comprendre de suivre des traditions, mais certaines pratiques me semblaient peu sécuritaires sachant ce qui est révélé à la fin.
J’ai bien apprécié ce manga. Il m’a permis de m’évader dans un monde calme près de la mer. J’étais investie face au mystère, je ne savais pas si les sirènes étaient vraies ou non. En effet, plusieurs indices sont donnés qui pourraient diriger le lecteur vers une théorie. Je ne me suis jamais ennuyée lors de ma lecture. Outre le mystère, c’étaient les personnages qui étaient intéressants et leurs vécus/émotions semblaient crédibles. J’ai bien aimé comment leurs relations évoluent. J’ai apprécié connaître la communauté, ne serait-ce que par des petits détails comme, par exemple, le petit marché où Tokiko va acheter son matériel scolaire ou la maison sur la plage. Bref, c’est un manga court avec un univers bien présenté, des sujets montrés avec doigté, avec quelques petits bémol, mais qui est une belle expérience tranquille de lecture.
Bonne lecture!
Sources :
Image :
- Youko Komori, (21 février 2023), Mermaid Scales and the Town of Sand [Image de couverture], VIZ Media LLC, ISBN 978-1974734658, image prise sur Amazon : https://www.amazon.ca/Mermaid-Scales-Town-Sand-Komori/dp/197473465X
- Youko Komori, (25 avril 2022), Le Secret des écailles bleues [Image de couverte], DELCOURT, image prise sur Leslibraires : https://www.leslibraires.ca/livres/le-secret-des-ecailles-bleues-t-yoko-komori-9782413044413.html
- Captures d’écran prises sur Mangakalot.
Informations:
- Données prises sur anilist (données consultées le 22 juin 2023) : https://anilist.co/manga/86767/Aoi-Uroko-to-Suna-no-Machi/
Yves-Hiram Levy Haesevoets, (avril 2011), L’analyse psychologique du mensonge chez l’enfant : un défi pour l’expertise psycholégale de crédibilité, Enfances & Psy, n 23, pages 87 à 99, https://www.cairn.info/revue-enfances-et-psy-2011-4-page-87.htm